Imanol Lizarralde
Nous allons examiner un document, dans sa version quasi définitive, issu d’un débat interne à ETA qui se déroule depuis 2012. Il s’agit tout d’abord d’une analyse historique depuis les débuts du MLNV jusqu’à la conjoncture actuelle et aux jalons fondamentaux qui l’ont créée. Il s’agit ensuite d’un état des lieux de la nouvelle stratégie du MLNV en ce moment, marqué par la non lutte armée. Notre objectif consiste à étudier les points principaux de cette nouvelle stratégie à partir du matérialisme dialectique dont le langage et la logique courent tout au long du texte.
1 – La perspective historique
L’étude historique que nous réalisons part du principe que la naissance de ETA a servi à trois choses : 1- faire face à la répression de la dictature, 2- faire en sorte que la nation basque ne soit pas « assimilée », 3- créer « des opportunités pour obtenir la liberté » (p.4). Il s’agit donc de partir d’un principe de réaction (« faire face à la répression »), en passant par un autre principe, celui de la préservation du sujet révolutionnaire souhaité (« la nation basque ») en danger d’assimilation, pour terminer enfin dans un effort de construction et d’initiative : « l’organisation, en transformant la résistance en lutte révolutionnaire, fixa les objectifs politiques et les bases idéologiques ». ETA a marqué le passage de la « nation basque » (telle qu’elle est formulée lors de la V° Assemblée d’ETA) de classe en soi, en classe pour soi.
Le document, dans son parcours historique, souligne les graves problèmes qu’a dû affronter le MLNV, tels que la détention de ses chefs, après les arrestations de 2006, le manque de clarté des idées et le manque de l’appui populaire. Cependant, le MLNV progresse dans la mise en place d’un modèle purement formel, chaque fois plus sophistiqué, de négociations et de néodémocratie.
« La méthodologie pour la solution a fait ses preuves enracinée. La préférence sur ce qu’il convient de faire au moyen du dialogue et de la négociation est absolue dans la société basque. D’une part, la négociation, l’accord, le questionnement citoyen et le dialogue entre les Basques vont donner la solution aux bases politiques du conflit ; d’autre part, les accords, les négociations et les dialogues entre ETA et les Etats, afin de trouver une solution aux conclusions de la lutte armée » (p.19)
Le document conclut ainsi : « nous avons été capables d’articuler les outils et la protection fondamentale du processus démocratique ». Mais, pour différentes raisons, l’appui du peuple n’a pas été suffisant. Ce dernier facteur est considéré comme la clef de la rupture de Loyola, car :
« Dans ce dernier processus, il est clair que le PNV et le PSOE ont joint leur position, et la gauche abertzale n’a pas réussi à accumuler des forces suffisantes pour imposer la sienne, ou, pour le moins, pour faire pression de manière suffisante » (p.23).
C’est après cela que court le MLNV depuis le début des différents processus de négociation en 1989. C’est la raison pour laquelle le texte ajoute « qu’il est nécessaire de mentionner les enseignements tirés des processus antérieurs » parmi lesquels le principal est que « dans le dialogue et dans la négociation, il est indispensable de poser la majorité sociale sur la table de la négociation, et aussi de l’articuler en dehors de la négociation ». Pour cela, « il faut en priorité se donner à l’avance les forces et les outils bien structurés ».
L’arrêt de l’activité armée de ETA, et la mise en place d’un processus unilatéral, sont le produits de cette analyse : il s’agit pour le MLNV « d’accumuler des forces suffisantes ». L’éclosion de Bildu, comme alliance politique gagnante, est présentée comme « un cadre pour la société basque qui était en attente d’une initiative ou d’un projet de la gauche abertzale qui puisse débloquer la situation » (p.22). Dans l’ensemble « anti-répression », le texte indique aussi l’existence de secteurs majoritaires qui se posent comme « défenseurs des droits des prisonniers » (p.20). Les majorités politiques, et celles d’autres types (anti-répression, syndicats…) constituent des instruments opératoires très utiles dans la lutte pour exercer la « pression » suffisante. Tout ceci, évidemment, se développe dans le cadre de la lutte contre l’autonomisme » (« si nous ne structurions pas l’ensemble des indépendantistes, et si nous laissions nos adversaires utiliser l’isolement et la répression contre la gauche abertzale, l’autonomisme serait renforcé» p. 23) et contre l’Etat (« la clef étant ici l’obtention de plus de moyens, et l’articulation de la majorité sociale en faveur du changement. L’Etat, pas à pas, était en train de détruire tous les intermédiaires que la gauche abertzale avait créés pour cela » p.23).
Dans ce contexte, et en prenant en compte les enseignements des négociations passées, nous nous trouvons face à la division de la notion de « peuple conscient » en deux aspects essentiels : d’une part, l’obtention d’une représentation politique majoritaire ; et d’autre part, l’obtention d’un mouvement populaire suffisamment puissant pour faire sentir sa pression sur la société et dans la rue, afin qu’il puisse ainsi diffuser dans la société des valeurs et des modèles révolutionnaires. Le premier aspect, l’aspect représentatif-institutionnel, et le second, l’aspect de la lutte des masses, doivent s’épauler et converger, avec toutes les contradictions que cela peut provoquer. Mais l’aspect dominant doit être celui de la lutte des masses. Les deux seraient dirigés par le nouveau « parti », Sortu, dont l’objectif clair est de :
« devenir la référence dynamique du MLNV, et le moteur du processus de libération nationale et de transformation sociale. Parmi toutes ses tâches, se trouve celle de coordonner les forces, et d’offrir une orientation tactique à l’ensemble de la Gauche Abertzale, aussi bien sur le plan idéologique, que sur celui des masses et aussi sur le plan institutionnel. Tâches auxquelles il faudra ajouter celle de lancer une politique d’alliances dans une double direction : être cohérente avec la stratégie du projet révolutionnaire abertzale, tout en étant aussi cohérent avec la tactique du processus démocratique en marche à propos du droit d’autodétermination et du progrès social » (Bases Idéologiques, paragraphe 43).
Voilà la colonne vertébrale qui devra donner cohésion aux efforts, les diriger et leur donner un contenu idéologique. Ici aussi est opérée une division entre le « caractère stratégique » du processus (centré sur « l’indépendance et le socialisme »), et le caractère tactique (« le droit d’autodétermination »). Il est possible de faire un lien avec le concept de « double indépendance » du « socialisme du XXI° siècle ». Appliqué au cas de l’Amérique Latine, on distingue l’indépendance nationale (obtenue contre l’Espagne au XIX° siècle) de l’indépendance socialiste (indépendance par rapport au capitalisme). Le texte fait allusion à la « rupture démocratique » qui est l’expression de la « nouvelle démocratie » pour les cas basques et espagnols. Rupture qui n’implique pas un changement de régime, mais qui implique l’initiative des forces révolutionnaires à l’intérieur d’un nouveau cadre patronné par elles. Le « processus démocratique » n’est rien d’autre que cela. C’est l’étape préalable à la « rupture socialiste » que supposerait un changement de régime.
«non lutte armée»
si bien la violence persiste en Iparralde, puisque nous avons toujours cette campagne contre les agences immobilières, par exemple.
En cualquier idioma la combinación de Socialismo y Nacionalismo da de sí lo que ya sabemos: Acogotar al Prójimo.